« Quoi
qu’il en soit, nous sommes tout à fait d’accord avec M. Albert
Bernet, lorsqu’il dit que le « point sensible » doit exister dans
toutes les cathédrales qui ont été construites suivant les règles
véritables de l’art, et aussi lorsqu’il déclare qu’« il faut
surtout en user au point de vue symbolique ». Il y a, à ce sujet,
un rapprochement curieux à faire : Wronski affirmait qu’il y a
dans tout corps un point tel, que, s’il est atteint, le corps tout
entier est par là même désagrégé aussitôt, volatilisé en
quelque sorte, toutes ses molécules étant dissociées ; et il
prétendait avoir trouvé le moyen de déterminer par le calcul la
position de ce centre de cohésion. N’est-ce pas là, surtout si on
l’envisage symboliquement comme nous pensons qu’on doit le faire,
la même chose exactement que le « point sensible » des cathédrales
?
« La
question, sous sa forme la plus générale, est celle de ce qu’on
pourrait appeler le « noeud-vital », existant dans tout composé,
comme point de jonction de ses éléments constitutifs. La cathédrale
construite selon les règles forme un véritable ensemble organique,
et c’est pourquoi elle a, elle aussi, un « nœud vital ». »
« […]
la civilisation moderne souffre d’un manque de principes, et elle
en souffre dans tous les domaines ; par une prodigieuse anomalie,
elle est, seule entre toutes les autres, une civilisation qui n’a
pas de principes, ou qui n’en a que de négatifs, ce qui revient au
même. C’est comme un organisme décapité qui continuerait à
vivre d’une vie tout à la fois intense et désordonnée ; les
sociologues, qui aiment tant à assimiler les collectivités aux
organismes (et souvent d’une façon tout à fait injustifiée),
devraient bien réfléchir un peu sur cette comparaison.
L’intellectualité pure étant supprimée, chaque domaine spécial
et contingent est regardé comme indépendant ; l’un empiète sur
l’autre, tout se mêle et se confond dans un chaos inextricable ;
les rapports naturels sont intervertis, ce qui devrait être
subordonné s’affirme autonome, toute hiérarchie est abolie au nom
de la chimérique égalité, dans l’ordre mental comme dans l’ordre
social ; et, comme l’égalité est malgré tout impossible en fait,
il se crée de fausses hiérarchies, dans lesquelles on met au
premier rang n’importe quoi […] » (Les dualités cosmiques)
« Ceci
nous amène directement à parler du second rôle des « gardiens »
du Centre suprême, rôle qui consiste, disions-nous tout à l’heure,
à assurer certaines relations extérieures, et surtout,
ajouterons-nous, à maintenir le lien entre la tradition primordiale
et les traditions secondaires et dérivées […] on peut comprendre,
dans ces conditions, que la destruction de l’ordre du Temple ait
entraîné pour l’Occident la rupture des relations régulières
avec le « Centre du Monde » ; et c’est bien au XIVe siècle qu’il
faut faire remonter la déviation qui devait inévitablement résulter
de cette rupture, et qui est allée en s’accentuant graduellement
jusqu’à notre époque. » (Les gardiens de la Terre Sainte)
En
musique, la rupture avec le Centre eut son expression dans la rupture
avec la « note centrale » et son corrélatif :
l'apparition « d'unités » nouvelles, les accords, dont
les divers éléments qui les composent n'eurent plus à se résoudre
dans cette note principielle. Dès lors, l'histoire de la musique occidentale
consista pour une grande part en un empilement de plus en plus en plus grand de notes
les unes sur les autres, ce qui, d'un point de vue non pas
« sensitif » mais logique, est comparable à
l'effondrement d'un château de carte, car les relations qui à la
fois unissent et distinguent les notes entre elles s'entendent
surtout lorsque ces notes sont jouées successivement, et non pas
simultanément. D'ailleurs, dans le cours de l'histoire de la musique
moderne, ce qu'on appelle les « règles contrapuntiques »,
qui exprimaient ces relations, et qui étaient au départ d'une
grande rigueur, allèrent en s'amenuisant progressivement jusqu'à
devenir pratiquement inexistantes.
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